L'épée ou la plume ? Rilke à l'épreuve de la Grande Guerre.
- Auteur: Michel ITTY
La relation profonde entre Rainer Maria Rilke et la France n’est plus à démontrer et son œuvre y fait jusqu’à nos jours l'objet d'une attention soutenue. Les nombreuses traductions des Élégies de Duino ou les études sur les Lettres à un jeune poète en poursuivent le témoignage de même que les colloques, à l’Université de Grenoble en 1995, à la B.N.F en 2000, à Cerisy en 2009. Cet ouvrage, qui a sa place dans le cadre de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, aborde pour la première fois et de manière novatrice, la traversée du poète entre 1914 et 1918. Il fait le point sur les répercussions du cataclysme qui fit disparaître « Le monde d’hier » dans la vie et l’œuvre de Rilke. Enrôlé en 1916 à l’âge de 41 ans dans l’armée autrichienne, Rilke, européen malgré tout et militaire malgré lui, fut en effet à Vienne au Ministère de la guerre, le voisin de table de Stephan Zweig.
« Un monde en guerre est-il digne de la poésie ? Génère-t-il une poésie ? La guerre dévoile et révèle, c’est une évidence, mais que dévoile t-elle de ce qui fut lentement recouvert au fil de la vie ? Déflagration extérieure à la création poétique qui fait éclater ses propres fulgurances, la guerre débarrasse-t-elle de ses masques ces faces enfouies dans l’enfance d’un poète en quête d’un dialogue avec l’Ange ? Pour Rilke, l’Ange est aussi celui qui désigne la beauté confinant au terrible. En temps de guerre, la beauté diversifie les degrés du terrible et le discernement s’y perd. Dangereusement freiné dans sa création poétique durant la guerre, qui fut pour lui comme une « crevasse », Rilke n’en a pas moins écrit la IVème Élégie en 1915. Mais quel écart entre cette Élégie et les Cinq chants de 1914 qui emboîtent le pas cadencé du patriotisme ? S’il a chanté le dieu de la guerre, il a aussi crié « Est-ce qu’un Dieu aura jamais assez de douceur pour guérir l’énorme plaie qu’est devenue l’Europe entière ? »
(Extrait de La plume ou l’épée ? Rilke à l’épreuve de la Grande Guerre).
Nous connaissons moins l’élan patriotique qui emporta la poésie de Rilke vers un lyrisme héroïque aux premiers jours de la guerre. Cette étude aborde pour la première fois les causes de cet emballement que l’on a pu caractériser de faute poétique.
Des idéaux de l'enfance contrariés par le contexte familial, jusqu'aux années d’exil de l’après guerre, cet essai étudie à l’aide de nombreux exemples pris dans la correspondance et les œuvres, l'attitude fluctuante du poète dans ce contexte. De son adhésion au patriotisme et son reflux, de l’instrumentalisation de son œuvre aux tentatives de renouer avec les Élégies interrompues en réaffirmant sa vocation poétique en 1915, cet essai donne des éclairages nouveaux sur la personnalité de Rilke et la genèse de certaines de ses poésies.
L’ouvrage est préfacé par Gerald STIEG.